Un moment de percée

Rapport Annuel 2020-2021

Saisir le moment pour faire pression en faveur de changements concrets et durables.

Un historique d’action, un moment de percée

Dans notre mot de l’année dernière, nous abordions la pandémie de COVID-19 qui venait alors de faire irruption dans notre conscience collective. Un an plus tard, une grande partie du monde est plongée dans une autre vague brutale, une issue qu’avaient prédite les expert-es en santé publique et qui aurait pu et dû être évitée si les décideurs et décideuses politiques avaient accepté d’agir plus tôt et pris les droits humains au sérieux.

Cela ne fait que souligner les leçons à tirer, dont plusieurs ont été mises en relief initialement par la pandémie de VIH, mais trop souvent ignorées. La pandémie de COVID-19 démontre une fois de plus que la santé publique est fondamentalement liée aux droits humains et que le fait de ne pas respecter et protéger les droits – et, surtout, de ne pas prendre de mesures positives pour les réaliser – entraîne davantage d’infections, de maladies et de décès. La COVID-19 diffère évidemment du VIH à bien des égards, mais tous deux exploitent les lignes de faille des inégalités sociales. La seule façon de surmonter ces deux pandémies est de passer aux actes pour respecter, protéger et réaliser les droits humains.

Cela signifie garantir la liberté d’expression : le fait de réduire au silence les défenseur(-euse)s de la santé entraîne de sérieux retards dans la réponse. Cela signifie également réaliser le droit à la santé par un accès équitable aux outils de prévention, y compris les vaccins, de même qu’aux tests et aux traitements. Cela signifie garantir les droits des travailleur(-euse)s à un lieu de travail sûr et à des conditions de travail équitables, y compris des congés de maladie payés. Cela signifie mettre fin à la pauvreté, qui laisse aux gens moins d’options pour protéger leur santé. Cela signifie aussi s’attaquer au racisme systémique qui entrave l’accès aux soins et aux traitements. Cela signifie qu’il faut une responsabilisation concernant l’âgisme et la discrimination fondée sur la capacité physique qui font que les maisons de soins souffrent de sous-financement chronique et d’un manque de personnel, et que certaines des personnes les plus vulnérables tombent malades et meurent de la COVID-19.

L’importance des droits humains dans une réponse efficace à une crise de santé publique a été constatée au début de la pandémie de VIH, à l’aube des années 1980; ce qui était vrai à l’époque l’est encore 40 ans plus tard, avec la COVID-19.

Nous avons souligné ces questions dans notre document Aplanir l’inégalité, publié rapidement en avril de l’année dernière, alors que les inégalités dans la réponse mondiale à la COVID-19 devenaient évidentes. Nombre de ces préoccupations persistent – notamment quant aux cas de contrôle policier souvent discriminatoire dans le contexte de la pandémie et quant à l’iniquité d’accès à la prévention, aux soins et aux traitements. Pourtant, on constate une évolution positive sur plusieurs fronts connexes. La COVID-19 demeure dévastatrice, mais a également mis en lumière des changements structurels qui s’imposent de toute urgence.

Nous constatons des progrès sur le front des politiques en matière de drogues, avec la demande par Vancouver d’une exemption locale qui décriminaliserait effectivement la possession simple – si elle est bien faite. D’autres municipalités, voire des provinces, pourraient emboîter le pas : au cours de l’année écoulée, le Gouvernement de la Colombie-Britannique a officiellement fait part de son intérêt, le conseil municipal de Montréal a approuvé la décriminalisation (tout comme de nombreuses municipalités de plus petite taille), de même que le Conseil de santé de Toronto (à trois reprises), tout en exhortant la ministre fédérale de la Santé à accorder des exemptions.

Les appels à réduire l’occupation carcérale sont en plein essor, car les prisons surpeuplées deviennent des incubateurs à COVID-19. Les autorités correctionnelles du Canada ont répondu à une certaine pression à cet égard – mais comme nous l’avons vu avec des défis de santé publique tels que le VIH et le VHC, leur réponse est encore trop passive. Entre-temps, la COVID-19 a été cyniquement utilisée comme prétexte pour retarder la mise en œuvre des programmes d’échange de seringues et d’aiguilles en prison – une crise de santé publique et de droits humains est utilisée pour tenter de justifier l’inaction continue devant une autre.

L’accès équitable à des médicaments abordables – une question de vie ou de mort que les militant-es de la lutte contre le VIH ont inscrite à l’ordre du jour mondial il y a nombre d’années – fait à nouveau la une des journaux. Des millions de personnes vont mourir pendant que les vaccins sont en retard dans les pays les plus pauvres, ce qui montre une fois de plus l’urgence de s’assurer que les brevets et les profits n’empêchent pas de sauver des vies. Les millions d’infections et de décès évitables dus au VIH n’ont pas encore suffi, semble-t-il, à briser cette résistance mais la COVID-19 y parviendra peut-être.

Il est donc approprié que le thème du rapport annuel de cette année soit Un moment de percée. Les actions que nous avons menées jusqu’ici ont ouvert la voie à des changements qui n’ont que trop tardé. La COVID-19 est peut-être la loupe qui a révélé au reste de la société l’importance du respect, de la protection et de la réalisation des droits humains dans la réponse à une crise de santé publique. Nous ne pouvons pas laisser passer ce moment sans faire pression pour des changements plus concrets et durables.

C’est aussi un moment de changement pour nous au Réseau juridique VIH. Après près de 28 années au service du Réseau juridique, à un titre ou à un autre, dont plus de la moitié à la direction générale, Richard se retirera en juillet. Mais le travail se poursuivra sous une nouvelle direction aguerrie. Notre équipe sera dirigée par Sandra Ka Hon Chu et Janet Butler-McPhee en tant que codirectrices générales et nous sommes ravi-es que le Réseau juridique VIH soit entre des mains aussi compétentes.

Au même moment, le mandat de Ron comme président du Réseau juridique VIH prendra fin. Comme il le dit lui-même : « Je suis incroyablement fier du travail que nous accomplissons et je suis toujours étonné de l’énergie collective requise pour faire en sorte que nous ne nous reposions pas avant d’avoir obtenu un changement durable. Je quitte peut-être le conseil d’administration, mais mon engagement envers le Réseau juridique reste intact. »

L’année à venir marque également la fin de notre plan stratégique actuel, Respecter, protéger et appliquer. Nous sommes enthousiastes à l’idée de définir la prochaine phase de notre travail dans le contexte d’une nouvelle Stratégie mondiale de lutte contre le sida qui, à ce jour, est la plus axée sur les droits humains en tant qu’élément essentiel de la réponse au VIH. Faisons en sorte que cette période de l’histoire soit un Moment de percée au terme d’un solide Historique d’action.

Dans la solidarité,

Ron Rosenes
président du conseil d’administration

Richard Elliott
directeur général


Le Réseau juridique reconnaît que les terres sur lesquelles nous vivons et travaillons font partie de l’Île aux tortues, territoire traditionnel des Haudenosaunees, des Wendats et des Anishinabés, y compris la Première Nation des Mississaugas de Credit. Nous sommes tous des gens des traités. En tant que colonisateur(-trice)s et militant-es pour les droits de la personne œuvrant à la santé et à la justice, nous avons le devoir d’honorer les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation dans notre travail. Nous devons prendre part à la réponse aux injustices continues que rencontrent les peuples autochtones et aux iniquités de santé qui en résultent et qui contribuent à l’impact disproportionné de l’épidémie du VIH dans ces communautés. Nous sommes activement engagé-es à poursuivre ces efforts en collaboration avec nos collègues autochtones et autres.


Des Percées:
En Chiffres

INTERVENTIONS ET PLAIDOYER TRANSFORMATEURS

BÂTIR LE MOUVEMENT

Recherche et analyse

Notre plaidoyer est toujours centré sur les principes des droits humains et éclairé par une minutieuse analyse des meilleures données qui existent. Nous résumons ici certains de nos projets de recherche de 2020-2021.

Loi sur les bons samaritains secourant les victimes de surdose


La Loi sur les bons samaritains secourant les victimes de surdose a été adoptée en mai 2017 en réponse à la crise croissante des surdoses. Elle a modifié la Loi réglementant certaines drogues et autres substances afin d’accorder l’immunité contre les poursuites aux personnes qui appellent le 911 en cas de surdose ainsi qu’à toute personne présente sur les lieux à l’arrivée des secours d’urgence.

Mais il peut y avoir une grande différence entre l’intention d’une loi et la façon dont elle affecte réellement les personnes dans la vie quotidienne. Nous avons voulu savoir dans quelle mesure la Loi sur les bons samaritains était connue des personnes qui consomment des drogues et quelle était leur expérience de ses effets dans la réalité.

Dans notre dernier rapport annuel, nous faisions état des résultats de notre étude, mais notre travail ne s’est pas arrêté là. Nous avons poursuivi sur la lancée de cette recherche en prenant la parole lors de divers événements, en publiant un article dans l’International Journal of Drug Policy et en créant une bande dessinée informative sur la présence policière sur les lieux d’une surdose. Cette bande dessinée a été publiée dans le magazine Briarpatch et a été très bien accueillie.

Lisez la bande dessinée

Évaluations du Fonds mondial à mi-parcours


Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme investit chaque année plus de 4 milliards de dollars US pour soutenir des programmes destinés à répondre à ces maladies dans plus de 100 pays. L’année dernière, nous vous avons parlé de notre participation à l’initiative Breaking Down Barriers du Fonds mondial dans 20 pays. Cette initiative a pour buts d’améliorer les réponses nationales pour éliminer les problèmes de droits humains qui font obstacle à l’accès aux services; de coordonner des plans d’action; et d’effectuer un suivi et une évaluation de ces efforts. Trois ans après le début de l’initiative, le temps est venu d’évaluer les progrès réalisés. Cette année, malgré les complications liées à la pandémie mondiale de COVID-19, nous avons poursuivi notre travail en réalisant des évaluations critiques à mi-parcours des progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’initiative au Botswana, en Côte d’Ivoire, en Indonésie, au Kirghizistan, au Sénégal, en Sierra Leone et en Ukraine. Nous avons posé d’importantes questions sur la manière dont ces pays ont garanti – et doivent continuer de faire en sorte – que leurs réponses nationales au VIH, à la tuberculose et au paludisme respectent et protègent les droits humains de tous et des toutes, y compris et surtout pour les populations vulnérables, afin que chacun-e puisse bénéficier de services de santé cruciaux.

Financer la réponse au VIH


Ce n’est un secret pour personne : le financement fédéral de la réponse au VIH est en déclin depuis des années, ne répondant pas aux besoins et aux promesses. Nous avons beaucoup écrit et plaidé sur ce problème, en produisant plusieurs rapports et campagnes. Cette année, nous avons à nouveau abordé la question directement avec le Gouvernement du Canada, et notre analyse et notre plaidoyer ont contribué à l’adoption par le Sénat, lors de la Journée mondiale du sida 2020, d’une motion demandant au gouvernement de répondre aux recommandations antérieures du Parlement d’augmenter le financement de la réponse au VIH.

Au début de 2021, lorsque le gouvernement fédéral élaborait le budget, nous avons soumis une consultation prébudgétaire soulignant la nécessité de donner la priorité à l’investissement dans la santé publique et au respect, à la protection et à la réalisation des droits humains dans le cadre de la réponse à une crise sanitaire. Nous avons rappelé au gouvernement que mettre fin à la pandémie de VIH – qui est l’un des Objectifs de développement durable à l’horizon 2030 auxquels se sont engagés tous les pays – est un travail inachevé qui nécessite un financement pour être atteint. Alors que beaucoup d’attention a été portée à la COVID-19, il serait tragique de laisser ce nouveau défi de santé publique faire dérailler le travail nécessaire pour soutenir la réponse au VIH. Nous avons encouragé le Gouvernement du Canada à tirer les leçons de l’histoire du VIH et de la situation actuelle de la COVID – et il est temps de faire une percée dans les deux pandémies avec des engagements réels à financer adéquatement la réponse et à mettre fin aux inégalités et aux autres violations des droits humains qui les alimentent.

Lisez notre mémoire

Contentieux et autre plaidoyer

Dans certaines situations, l’un des moyens d’apporter des changements positifs est de s’adresser aux tribunaux. Bien que cela puisse être coûteux et lourd, c’est parfois le seul moyen de parvenir à un changement juridique, surtout lorsque les responsables des politiques refusent de tenir compte des données probantes et de protéger les droits humains de toutes et de tous. Les avancées juridiques ont le pouvoir de nous élever et de renforcer notre société.

Contestation constitutionnelle relative au travail du sexe


Le Réseau juridique VIH est membre de l’Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe, une coalition de 25 groupes de défense des droits des travailleuse(-eur)s du sexe et de groupes alliés de tout le pays, principalement dirigée par et pour les travailleuse(-eur)s du sexe. Cette année, l’une de nos plus importantes contributions à l’Alliance avait trait à une contestation constitutionnelle des lois qui criminalisent le travail du sexe – en particulier les articles du Code criminel qui interdisent l’entrave à la circulation, la communication publique, l’achat, les bénéfices matériels, le proxénétisme et la publicité. Nous sommes fier(-ière)s d’avoir travaillé aux côtés des membres de l’Alliance pour soutenir cette importante contestation.

Les travailleuse(-eur)s du sexe demandent l’abrogation de ces articles depuis des d’années. Cela contribuerait grandement à atténuer la stigmatisation du travail du sexe et à lutter contre l’isolement et la violence que les personnes qui l’exercent subissent en raison de la criminalisation de leur travail. Or le Gouvernement du Canada, bien qu’il se dise préoccupé par la santé et la sécurité des travailleuse(-eur)s du sexe, a refusé d’agir malgré l’abondance de preuves du fait que ces lois reproduisent bon nombre des mêmes préjudices que les lois qu’elles ont remplacées – que les tribunaux ont déjà déclarées inconstitutionnelles.

L’avis de requête a été officiellement déposé en mars de cette année; il reste à voir si les tribunaux finiront par accepter notre contestation. Se débarrasser de ces lois malavisées et nuisibles – que ce soit par le biais d’une réforme législative ou d’une action en justice – est une percée que nous poursuivons toujours.

Lisez le communiqué de presse

En cour contre la criminalisation du VIH


Bien que les faits scientifiques concernant la transmission du VIH soient établis depuis longtemps, les tribunaux continuent à mal interpréter et à mal appliquer ces faits, ce qui entraîne des poursuites et des condamnations injustes. C’est ce qui s’est passé dans l’affaire R. c. N.G., une affaire critique dans laquelle nous sommes intervenu-es.

N.G., un homme qui vit avec le VIH, a eu des relations sexuelles consensuelles avec trois femmes. Il est important de noter que toutes les parties avaient convenu de l’utilisation de condoms pour tous les rapports sexuels. Il n’y avait aucune preuve d’utilisation incorrecte du condom et, sans surprise, aucune allégation de transmission du VIH. Malgré cela, N.G. a été déclaré coupable de trois chefs d’accusation d’agression sexuelle grave parce qu’il n’a pas divulgué son statut VIH. Dans son appel, nous avons fait valoir que l’utilisation du condom devrait suffire à le protéger contre les poursuites.

Malheureusement, en août dernier, N.G. a vu son appel rejeté par la Cour d’appel de l’Ontario. Nous sommes en profond désaccord avec cette décision, qui met en évidence le besoin urgent d’une réforme du Code criminel au Canada – car sans un tel changement, les personnes vivant avec le VIH restent exposées à des poursuites et à des condamnations injustes. Nous continuerons à plaider pour des modifications législatives visant à limiter les poursuites aux cas de transmission réelle et intentionnelle du VIH, conformément aux recommandations internationales.

Lisez notre déclaration

Jamaïque : un recul et une percée


Plusieurs d’entre vous sont au courant des affaires judiciaires en cours dans les Caraïbes. L’une d’elles concerne la contestation par notre collègue Maurice Tomlinson du refus d’une chaîne de télévision jamaïcaine de diffuser « Love and Respect », une publicité de 30 secondes appelant au respect des droits des personnes LGBTQ+. En octobre 2020, la Cour d’appel de la Jamaïque a affirmé que la Charte du pays signifie que les parties privées, comme la chaîne de télévision, sont tenues de respecter les droits protégés par la Constitution. Mais cette victoire n’était que théorique, car la Cour a refusé de conclure que la chaîne de télévision avait violé ces droits. Au lieu de cela, la Cour a permis à la chaîne de télévision de justifier son refus de diffuser l’annonce, en raison d’une déclaration de la chaîne selon laquelle elle pourrait être perçue comme approuvant une « activité criminelle » (c’est-à-dire le sexe homosexuel criminalisé en Jamaïque) et « risquerait d’inciter à la violence ou à la violation de la paix ». Cette décision absurde et profondément injuste constitue un nouvel exemple de personnes LGBTQ+ réduites au silence par des institutions qui sont censées défendre les droits de tous et de toutes.

Mais tout n’est pas perdu en Jamaïque. À la fin de l’année dernière, la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a rédigé un rapport très attendu dans lequel elle déclare que la loi jamaïcaine sur les infractions contre la personne, qui criminalise les relations sexuelles consensuelles entre hommes, viole plusieurs droits individuels protégés par la Convention américaine relative aux droits de l’homme. Malheureusement, la Jamaïque a refusé de répondre au rapport, ce qui a entraîné un retard dans sa publication. Finalement, en février 2021, nous avons publié en collaboration avec AIDS-Free World le rapport dans son intégralité.

La Jamaïque n’est pas légalement obligée de suivre les recommandations de la CIDH. Mais même ainsi, il s’agit d’une percée encourageante après plusieurs d’années de contentieux et de plaidoyer. La pression exercée par la CIDH renforce nos autres contestations judiciaires qui continuent, non seulement en Jamaïque, mais aussi à la Dominique et à la Barbade, pour contester la criminalisation de l’activité sexuelle consensuelle entre personnes de même sexe.

Lisez notre déclaration

Éducation du public

Une grande part de notre travail consiste à utiliser l’éducation du public comme levier de changement. L’an dernier, nous avons lancé de nombreuses initiatives d’éducation du public, notamment notre deuxième conférence Intimate Conviction et une trousse de notes d’information envoyée à tou-te-s les parlementaires de l’échelon fédéral pour les sensibiliser à nos enjeux. Cette éducation continue est essentielle pour réaliser des percées – souvent en changeant les cœurs, les esprits et, en fin de compte, les politiques néfastes.

Intimate Conviction 2


Notre première conférence Intimate Conviction s’est tenue en 2017 en Jamaïque et avait remporté un grand succès. Des conférencier(-ière)s des quatre coins du monde s’étaient réuni-es pour discuter du rôle de l’église dans la création et le maintien de lois homophobes criminalisant l’intimité entre personnes de même sexe, dans le Commonwealth. Mais une excellente conférence ne signifie pas que tout le travail a été accompli.

Nous avons donc décidé d’organiser une conférence de suivi en novembre 2020, en mettant cette fois l’accent sur un plus grand nombre de voix du Sud. Les fermetures et les restrictions de voyage rendaient impossible une rencontre en personne, mais nous avons pu nous réunir en ligne pour Intimate Conviction 2 : Continuing the Decriminalization Dialogue [« Poursuivre le dialogue sur la décriminalisation »]. Pendant trois jours, nous avons accueilli 35 intervenant-es de partout, pour d’intenses discussions via Zoom sur l’homophobie, la religion et le droit. Les séances ont également été diffusées en continu sur notre page Facebook, recueillant plus de 1 500 vues.

Les réactions à cette conférence virtuelle ont été extrêmement positives, les participant-es ayant souligné à quel point les histoires les ont touché-es et inspiré-es. En guise de suivi, nous produisons un deuxième volume des présentations afin que le message pour mettre fin à la haine et aux lois homophobes de l’ère coloniale puisse continuer à être partagé et à soutenir le travail des défenseur et défenseuses dans le monde entier.

Documents de politiques : faire entendre nos messages au Parlement


Nous ne nous contentons pas de réunir des personnes pour qu’elles s’informent sur le VIH et les droits humains : il nous arrive aussi d’apporter notre matériel éducatif directement aux décideurs et décideuses politiques. C’est ce que nous avons fait l’an dernier, avec une nouvelle série de notes d’information pour l’orientation des politiques, décrivant nos domaines de travail et identifiant les actions clés que les gouvernements doivent entreprendre pour mieux protéger les droits humains et renforcer la réponse au VIH. Nous les avons livrées sous forme de trousse à tou-te-s les député-es fédéraux(-ales) et sénateur(-trice)s du Canada afin d’attirer leur attention sur nos enjeux. Nous avons souligné les liens entre les droits humains et le VIH, la nécessité de rétablir le financement de la réponse au VIH et la nécessité de réformer les lois et les politiques concernant les drogues, le travail du sexe et la criminalisation du VIH.

Nous avons soigneusement choisi le moment de la livraison, afin que le colis arrive sur leurs bureaux la veille de la Journée mondiale du sida. La réponse a été positive, et plusieurs ont communiqué avec nous pour nous remercier, poser des questions supplémentaires et organiser des réunions. Le travail d’informer les personnes qui ont le pouvoir de mettre en œuvre les changements que nous souhaitons s’accompagne toujours d’un plaidoyer continu pour les inciter à agir. C’est grâce à cette combinaison importante que des percées peuvent finalement voir le jour.

Lisez nos notes d’information

Mobilisation communautaire

Rassembler les gens peut être efficace pour susciter des changements. Lorsque des personnes s’unissent, leur voix collective peut être bien plus puissante que celle d’une seule personne, ce qui force les responsables à écouter. Cette année a démontré le pouvoir que nous détenons si nous nous tenons debout – et levons parfois le ton – en tant que communauté.

Europe de l’Est et Asie centrale


Une grande partie de notre action en Europe de l’Est et en Asie centrale comporte un travail communautaire qui entraîne des changements à plus grande échelle. Un tel changement s’est produit cette année grâce à notre travail avec des organismes communautaires qui répondent aux lois sur les drogues et aux pratiques injustes d’application de la loi en Russie.

Depuis 2010, nous soutenons des initiatives pour surveiller les violations de droits humains dans cette région. Une partie de notre travail consiste à soutenir des avocat-es qui fournissent une assistance pro bono à des personnes dont les droits ont été violés par des agences de lutte contre la drogue.

Cette année, dans l’affaire Kuzmina et autres c. Russie, quatre personnes qui consomment des drogues ont fait appel de leurs condamnations, affirmant avoir été piégées par des pratiques policières corrompues. Elles se sont adressées à notre partenaire Hand-Help.ru, un site Web communautaire qui relie des personnes dont les droits ont été violés à des avocat-es qui peuvent leur fournir une consultation gratuite. Dans ce cas, les demandeur(-eresse)s ont été mis-es en contact avec Irina Khrunova, une amie de longue date du Réseau juridique, qui a porté l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Celle-ci a finalement retenu notre position, selon laquelle les tactiques de la police dans ces quatre cas avaient violé les droits des demandeur(-eresse)s, et elle a renversé les condamnations.

En reliant des individus dans le besoin aux bonnes personnes pour les aider, les communautés s’unissent pour combattre ces injustices. Et chaque victoire nous rapproche de percées indispensables.

Services de consommation supervisée : consultations canadiennes


L’une des meilleures façons de mobiliser les communautés est d’inciter d’autres parties à agir et de leur en donner les moyens. À la fin de 2020, le Gouvernement du Canada a lancé une consultation sur l’élaboration de nouvelles règles en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, plus particulièrement en ce qui concerne les sites et services de consommation supervisée (SCS). Il est fréquent que ces types de consultations passent inaperçus ou ne reçoivent pas le volume de mémoires nécessaire pour susciter de réels changements.

L’avenir des SCS du Canada étant en jeu, nous nous sommes rapidement organisé-es pour produire notre propre analyse juridique et la disséminer largement à nos ami-es, puis avons encouragé des organismes aux visées similaires à soumettre leurs propres mémoires. Nous avons souligné l’urgente nécessité d’augmenter le nombre de SCS et de rationaliser et simplifier le processus d’autorisation des SCS afin que davantage d’interventions salvatrices voient le jour sans délai.

Lisez le mémoire

La criminalisation du VIH, les femmes et les personnes de genres divers


L’enjeu de la criminalisation du VIH a été bien étudié, par nous et par de formidables collègues. Mais nous voulions en savoir plus sur la façon dont la criminalisation de la non-divulgation alléguée affecte les femmes et les personnes de genres divers. Quels enjeux les touchent spécifiquement et que pourrait-on ou devrait-on faire pour améliorer la situation?

Pour répondre à ces questions, nous avons organisé un groupe de discussion avec 28 personnes, y compris des femmes vivant avec le VIH, des prestataires de services de première ligne pour femmes et personnes de genres divers, et des chercheuses, afin de réaliser une analyse sexospécifique de la criminalisation du VIH. À la lumière de ces discussions, nous avons préparé une nouvelle note d’orientation et l’avons publiée sur notre site Web au printemps. Mobiliser de nouveaux dépositaires d’enjeux contre la criminalisation du VIH est un important moyen de provoquer des percées.

Lisez le rapport

Étude de cas : la décriminalisation des drogues

Contexte


Le Réseau juridique VIH consacre des efforts aux politiques en matière de drogues – et plaide pour la décriminalisation – depuis des décennies. Au Canada, les décès par surdose ont fortement augmenté, ces dernières années, en raison d’un approvisionnement en drogues empoisonnées, du caractère punitif des lois sur les drogues, qui perpétuent la stigmatisation et découragent les gens d’accéder aux services de réduction des méfaits, de même que d’un manque de leadership de la part des personnes qui ont le pouvoir de changer ces lois. Depuis le début de la pandémie de COVID-19, les conditions se sont aggravées de manière exponentielle et la situation est vraiment horrible. Plus de personnes que jamais auparavant meurent de surdoses, car les restrictions persistantes en matière de santé publique limitent les services disponibles et déterminent si l’on peut y avoir accès. Certains sites de consommation supervisée, essentiels pour aider les gens à consommer des drogues de façon sécuritaire, ont été fermés. Des personnes se retrouvent contraintes de consommer seules, isolées, ou de risquer des amendes de santé publique – un fardeau juridique qui s’ajoute à leur criminalisation de longue date. Cette année, la nécessité de décriminaliser la consommation de drogues en tant que mesure vitale de réduction des méfaits est devenue plus évidente que jamais.

De l’activisme naît le changement


Autre chose que cette situation déchirante rend encore plus claire : les lois canadiennes sur les drogues doivent changer. Nous le savons et nos sympathisant-es le savent, mais comment faire pour que les responsables des orientations des politiques le comprennent? Il nous fallait une stratégie pour faire entendre notre voix collective, et nous nous sommes réengagé-es sérieusement dans notre campagne aux paliers national, provincial et municipal.

Notre premier pas a été de collaborer avec des partenaires pour rédiger une lettre ouverte à l’intention de la ministre fédérale de la Santé, qui a le pouvoir d’accorder une exemption de l’interdiction de posséder des drogues pour usage personnel prévue par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS) si elle estime que c’est « dans l’intérêt public ». L’octroi d’une exemption générale applicable à toute personne aurait pour effet de décriminaliser la possession simple à l’échelle du Canada. La lettre ouverte a maintenant été signée par plus de 190 organismes de la société civile de partout au pays – une indication claire du désir et du besoin de changement.

Notre demande d’exemption a également été approuvée par le Conseil de santé de Toronto, qui a maintenant exhorté trois fois le gouvernement fédéral à passer aux actes pour sauver des vies grâce à la décriminalisation. L’élan s’est également développé à Vancouver, où le conseil municipal a approuvé à l’unanimité la motion du maire visant à demander une exemption à la ministre fédérale, décriminalisant la possession personnelle de drogues dans les limites de la ville – cette demande est maintenant devant le gouvernement fédéral. La province de la Colombie-Britannique a expressément demandé au gouvernement fédéral de décriminaliser et a fait part de son intérêt à demander une exemption à l’échelle de la province. Montréal a rapidement emboîté le pas, en adoptant à l’unanimité une motion demandant au Gouvernement du Canada de décriminaliser la possession simple.

Puisque l’augmentation des demandes de décriminalisation à l’échelon local peut renforcer la pression pour une action au palier fédéral, nous avons développé notre ressource Décriminalisation des personnes qui consomment des drogues : Un Guide d’introduction pour les gouvernements municipaux et provinciaux. Ce document d’information explique comment les administrations locales peuvent demander une exemption à la ministre fédérale de la Santé et décriminaliser la possession de drogues sur leur territoire. Notre ressource a reçu une attention médiatique importante dans un article paru en novembre 2020 dans le Globe & Mail, le principal quotidien national anglais du Canada.

Les exemptions locales sont des mesures provisoires importantes si elles sont appliquées correctement; s’il existe une volonté politique aux paliers local et fédéral, elles peuvent être mises en place assez rapidement en utilisant la flexibilité de la LRCDAS actuelle, et elles sauveront sans aucun doute des vies. Mais plutôt qu’une mosaïque de demandes au cas par cas, une exemption générale à l’échelle du Canada, accordée de manière proactive par la ministre fédérale de la Santé, serait beaucoup plus efficace. Et pour apporter un changement réel et durable, nous avons besoin d’une véritable réforme de la loi fédérale. Pour y arriver, nous avons travaillé avec des parlementaires pour ce qui est devenu le Projet de loi C-22, qui propose des modifications à la LRCDAS qui abrogeraient les peines minimales obligatoires pour toutes les infractions liées aux drogues, augmenteraient la disponibilité des peines avec sursis et favoriseraient, du moins en théorie, des solutions de rechange aux accusations criminelles pour les personnes en possession de drogues pour leur consommation personnelle. Cependant, le projet de loi ne va pas assez loin : au lieu de se contenter d’énoncer quelques principes encourageant la police et les procureurs à éviter de porter et de poursuivre des accusations pour possession simple de drogues, ce qu’il faut, c’est l’abrogation complète de l’interdiction criminelle sous-jacente.

Ces mesures progressives, qui sont d’importants indicateurs de l’élan croissant pour la décriminalisation, ne suffisent cependant pas. Le Réseau juridique s’est engagé à travailler avec des partenaires dans tout le pays pour exiger – et finalement obtenir – des changements plus résolus et plus durables. Bien que les décideurs et décideuses politiques n’aient pas toujours une vision forte de la décriminalisation, la société civile en a certainement une. Nous avons une vision claire des possibilités qu’offre la décriminalisation, et nous avons travaillé cette année avec des partenaires – y compris des personnes qui consomment des drogues – pour élaborer une plateforme de la société civile décrivant comment réaliser la décriminalisation de manière adéquate. Nous prévoyons le coup d’envoi de ce travail essentiel au cours des prochains mois.

Conclusion


De nombreuses recherches ont démontré que les lois punitives en matière de drogues nuisent à une réponse efficace au VIH parmi les personnes qui consomment des drogues. La décriminalisation des drogues et la suppression des sanctions pour possession personnelle sont également des réformes cruciales pour répondre à la crise des surdoses – et la COVID-19 a clairement exacerbé la crise des surdoses, mais elle offre aussi une occasion d’apporter des changements plus durables que la pandémie. Nous sommes à l’aube de quelque chose de bien plus grand que ce qui semblait possible il y a quelques années à peine. Qu’il s’agisse de réunir la société civile, d’informer les gouvernements locaux sur les exemptions, d’inciter les parlementaires à réformer la loi ou de faire valoir nos arguments dans les médias, notre plaidoyer est sans relâche. C’est le moment de continuer à se battre pour que la décriminalisation complète devienne réalité.

APERÇU DES FINANCES

RÉSUMÉ DES ÉTATS FINANCIERS VÉRIFIÉS

EXERCICE TERMINÉ LE 31 MARS 2021 2020
 
REVENUS $ $
Subventions 1,328,681 1,655,934
Frais de consultation 176,269 79,734
Dons 161,289 143,606
Cotisations 4,320 4,415
Intérêt et autres 6,414 12,400
TOTAL DES REVENUS 1,676,973 1,896,089
 
DÉPENSES
Personnel et honoraires professionnels 1,353,417 1,412,293
Loyer et entretien 93,088 98,885
Activités d'intervention terrain 64,911 64,017
Matériel et dépenses de bureau 46,755 40,304
Litiges stratégiques 37,860 53,164
Communications et information 22,384 24,178
Déplacements 7,124 132,093
Installations et équipement 1,336 48,975
Autres 39,135 9,707
Amortissement 1,552 3,104
TOTAL DES DÉPENSES 1,667,562 1,886,720
 
ACTIF NET 138,042 128,631

UTILISATION DE NOS FONDS

  • Activités de bienfaisance87% Activités de bienfaisance
  • Administration10% Administration
  • Collecte de fonds3% Collecte de fonds
Utilisation de nos fonds

Merci!

Dédicace

Le présent rapport annuel est dédié à la mémoire de David Garmaise, allié de longue date du Réseau juridique, décédé en 2020. David a été un ami dévoué, longtemps rédacteur en chef de notre Revue VIH/sida, droit et politiques, et militant engagé pour les droits des gais et des personnes vivant avec le VIH. Nous sommes reconnaissant-es à David d’avoir reconnu notre organisme par un généreux legs et nous faisons la promesse de continuer de militer pour les droits humains auxquels il a consacré sa vie.

Remerciements

L’année 2020 fut difficile, pleine de défis apportés par la pandémie de COVID-19, mettant en relief en même temps les inégalités et les injustices que rencontrent les personnes vivant avec le VIH et le sida ou affectées par ceux-ci, tant au Canada qu’aux quatre coins du monde. Nous remercions du fond du cœur chacun-e de nos nombreux bénévoles, sympathisant-es et partenaires. Grâce à leur générosité, nous avons été capables de poursuivre nos travaux en ces temps difficiles.

Auteur-es de dons majeurs et bailleurs de fonds

Fondations et autres sources de soutien :

  • Agence de la santé publique du Canada
  • Arcus Foundation
  • Begonia Fund
  • Broadway Cares/Equity Fights AIDS, Inc.
  • City of Toronto, Investing in Neighbourhoods Program
  • Clergy Support Memorial Church
  • Cosmétiques M·A·C
  • Delta Airlines
  • E. Rhodes and Leona B. Carpenter Foundation
  • Elton John AIDS Foundation
  • Femmes et Égalité des genres Canada (FEGC)
  • Fondation Trillium de l’Ontario
  • Impact Fund
  • Levi Strauss Foundation
  • MakeWay – AIDS-Free World Canada
  • Open Society Foundations
  • Robert Carr Fund
  • Saint Matthias Church, Bellwoods (Toronto)
  • TD Bank Group
  • 100 Percent Life (Ukraine)

Donateur(-trice)s au leadership :

  • Andrew Beckerman
  • Casey et Bev McKibbon
  • Colin Kovacs
  • Derek Hodel et Allan Dorrington
  • Doug Kerr
  • Frank Testin
  • Gail Steckley
  • Howard et Patricia Elliott
  • Joanne Csete
  • Julie Shugarman
  • Karim G. R. Ladak
  • Kenneth Menzies
  • Kimahli Powell
  • Larry Hughsam
  • Maurice Tomlinson
  • Mona Loutfy
  • Pat et John Evans
  • Peggy Millson
  • Richard Elliott
  • Ron Rosenes
  • La succession de David Garmaise

Conseil d’administration

  • Veronica Cenac
  • Alexandra de Kiewit
  • Leslie Hill, vice-présidente
  • Leegay Jagoe
  • Megan Longley
  • Stephanie McLean, secrétaire
  • Eric Mykhalovskiy, trésorier
  • Natasha Potvin
  • Corey Ranger
  • Ron Rosenes, président
  • Emily van der Meulen
  • Ben Whynot

Personnel

  • Janet Butler-McPhee
    directrice des communications et du plaidoyer
  • Sandra Ka Hon Chu
    directrice de la recherche et du plaidoyer
  • Richard Elliott
    directeur général
  • Mikhail Golichenko
    analyste principal des politiques
  • Terry Gould
    gestionnaire du soutien aux programmes
  • Cécile Kazatchkine
    analyste principale des politiques
  • Megan Long
    spécialiste des communications
  • Sade Makinde
    adjointe administrative (jusqu’en mai 2020)
  • Emma Riach
    responsable des communications et des campagnes (jusqu’en novembre 2020)
  • Doriana Schiavi
    gestionnaire des finances
  • Maurice Tomlinson
    analyste principal des politiques et consultant en droits LGBTQ