Une réaction mondiale pour stopper la propagation de la haine

Les efforts de militants locaux appuyés par les voix d’individus et d’organismes – y compris le Réseau juridique – opposés à la haine sous toutes ses formes ont permis d’empêcher un prédicateur de haine étatsunien de propager son message meurtrier en Jamaïque.

Initialement, tout effort paraissait voué à l’échec. Steven Anderson, un « pasteur » chrétien extrémiste des États-Unis qui a déjà demandé publiquement la lapidation des gais et la soumission des femmes, et qui nie l’Holocauste, se dirigeait vers la Jamaïque pour un « voyage missionnaire ». Certains militants jamaïcains étaient convaincus qu’il serait impossible de l’arrêter. Il s’était déjà vu refuser l’entrée dans d’autres pays, notamment au Canada, en raison de sa propagande haineuse. Toutefois, vu l’absence de lois sur les discours haineux en Jamaïque et les déclarations initiales du gouvernement, il semblait probable qu’Anderson puisse entrer au pays pour prêcher sa haine.

Mais un courageux jeune homme gai jamaïcain s’est levé debout et a dit « non ». Jay John a lancé une pétition pour demander au Gouvernement de la Jamaïque d’interdire d’entrée Anderson en raison de la menace imminente qu’il représentait pour la vie des Jamaïcains vulnérables. Le taux moyen d’homicides en Jamaïque est de cinq par jour; la dernière chose dont les Jamaïcains ont besoin est d’un intolérant extrémiste qui encourage de tels crimes. 

Jay a tenté de créer une pétition gouvernementale officielle, mais sa demande a été refusée – le Bureau du Premier ministre (BPM) ne l’ayant jamais publiée. Il a ensuite opté pour une pétition sur le site Change.org. 

Lorsque le Réseau juridique a entendu parler de la pétition de Jay, nous avons amplifié son message primordial en le disséminant à nos réseaux. (Merci d’avoir ajouté votre voix!) Ensemble, nous avons recueilli plus de 38 000 signatures. Par nos efforts de relations médias, nous avons réussi à faire entendre notre voix dans le quotidien principal de la Jamaïque pour dénoncer la visite inacceptable d’Anderson.

La publicité qui en a résulté a conduit le ministère du Travail de la Jamaïque à déclarer qu’Anderson avait besoin d’un permis de travail pour prêcher au pays, ou du moins, du parrainage d’une église jamaïcaine. Néanmoins, le prédicateur a signifié son intention de se rendre en Jamaïque et d’y prêcher sans permis.

Cette victoire n’a pas été sans heurt : lorsque Jay John a déposé sa pétition au BPM, on lui a dit qu’elle allait être rejetée, car elle n’avait pas été publiée sur la plateforme de pétition officielle même si elle comptait plus de 2,5 fois le nombre de signatures requises pour obtenir une réponse du gouvernement. 

En réponse, le Réseau juridique a écrit une lettre ouverte au Gouvernement de la Jamaïque (désolé, cet article est seulement disponible en anglais canadien) décrivant les arguments juridiques à l’appui d’une interdiction d’entrée visant Anderson. Nous avons fait valoir qu’en vertu de la loi jamaïcaine, un agent d’immigration pouvait lui refuser l’entrée en raison de sa campagne ouverte incitant à des meurtres et son déni de l’Holocauste. Notre lettre a été signée par quelque 70 organismes et individus de la Jamaïque et d’autres pays, notamment la Jamaican Canadian Association, le Global Inter-Faith Network For People of All SSOGIE, CATIE, la Namibia Diverse Women’s Association et plusieurs Jamaïcains renommés. Quarante-huit heures avant l’arrivée prévue d’Anderson en Jamaïque, nous l’avons acheminée au premier ministre de la Jamaïque ainsi qu’au procureur général, au ministre de la Justice, à la ministre des Affaires étrangères, au ministre de la Sécurité nationale, à la directrice des poursuites pénales, au défenseur du droit des citoyens et à plusieurs membres de l’opposition officielle du Parlement de la Jamaïque.  

Notre travail – et votre appui – ont porté fruit. Le 29 janvier, nous avons appris qu’Anderson était sur le point de prendre l’avion à Atlanta en direction de Kingston, Jamaïque, quand il a été informé que le Gouvernement de la Jamaïque lui avait refusé l’entrée au pays. Le ministère jamaïcain de la Sécurité nationale a déclaré qu’Anderson avait été interdit d’entrée parce que « les propos du pasteur n’étaient pas appropriés dans le climat actuel ».

Il va sans dire que le prédicateur n’a pas apprécié; il a lancé d’autres attaques haineuses et homophobes à l’endroit de Jay John pour le rôle qu’il a joué dans cette décision cruciale. La couverture médiatique internationale a été considérable et pourrait inciter d’autres pays à réfléchir avant de laisser Anderson franchir leurs frontières, à l’avenir.

Cette victoire durement gagnée est formidable, mais il reste encore beaucoup à faire. Malheureusement, nous savons qu’Anderson prévoit déjà visiter une autre île des Caraïbes, dont il garde l’identité secrète – une pratique inhabituelle de sa part. Son « équipe de missionnaires » est également présente en Jamaïque, où elle visite des écoles. La lutte pour cesser l’exportation de l’homophobie religieuse se poursuit, et le Réseau juridique continuera d’amplifier les voix des militants locaux et de contester les lois et politiques oppressives aux quatre coins du monde.

Vous appréciez notre travail? Défendre les droits humains exige du temps, de l’argent et un travail acharné – et nous ne pouvons y arriver sans vous. Nous faisons changer des lois et dénonçons l’injustice, en plus de collaborer à améliorer les vies de milliers de personnes au Canada et dans le monde. Tenez-vous debout avec nous en faisant un don dès aujourd’hui.