Pour la première fois en 33 ans, le Réseau juridique VIH a accepté des fonds de deux sociétés pharmaceutiques. Nous avons pris cette décision afin de soutenir nos efforts de plaidoyer et d’engagement auprès du gouvernement du Canada, plus précisément pour hisser le VIH au rang de priorité parmi les décisionnaires et pour produire un rapport sur « L’état du VIH au Canada ».
Notre raison est simple : comme de nombreux autres organismes à but non lucratif, nous faisons face à un contexte de financement particulièrement difficile, où le VIH, les droits humains et le plaidoyer ne sont pas aussi prioritaires qu’ils devraient l’être pour les bailleurs de fonds. La situation est critique. Sans ce nouveau financement, nous serions contraint-es de prendre des décisions complexes concernant le travail crucial que vous attendez de nous depuis trois décennies.
Depuis quelques années, notre travail repose sur un budget fragmenté. Une grande partie de nos fonds viennent de sources gouvernementales – ce qui n’est pas garanti, comme le démontrent les décisions politiques actuelles; de nouveaux gouvernements hostiles à nos valeurs pourraient réduire notre financement. De plus, ces fonds et ceux venant de fondations et d’organismes internationaux sont affectés à des programmes et activités spécifiques. Le financement sans restriction que nous recevons de donateur(-trice)s individuel-les est modeste.
À l’heure actuelle, les fonds sont encore plus limités, en raison des facteurs suivants :
- les récentes coupes à l’USAID et les investissements réduits de nombreux pays donateurs (dont le Canada) dans des instances multilatérales cruciales, comme le Fonds mondial et l’ONUSIDA;
- la réaffectation de fonds, par des fondations, de la lutte contre le VIH vers d’autres priorités concurrentes;
- l’incertitude économique et la hausse des coûts, qui ont entraîné une baisse des dons individuels; et
- l’abandon, par les gouvernements canadiens, des politiques fondées sur des données probantes relativement aux drogues.
Aujourd’hui, nous avons plus de mal à trouver des sources de financement public et d’autre nature qui correspondent à nos valeurs et soutiennent nos objectifs, alors que nous sommes de plus en plus contraint-es de contester devant les tribunaux des lois et politiques punitives, au Canada et ailleurs.
Nous avons décidé d’accepter des fonds du secteur pharmaceutique sur la base de recherches et de relations de confiance avec des individus au sein de ces entités. Certaines personnes pourraient être frustrées ou blessées par notre décision, et être en désaccord avec celle-ci. Nous comprenons votre inquiétude. Depuis des années, notre plaidoyer pour l’accès aux médicaments contre le VIH nous place en opposition aux sociétés pharmaceutiques. Une partie essentielle de notre travail a toujours consisté, et consiste encore, à nous assurer que les personnes aient accès aux médicaments dont elles ont besoin. Cet engagement ne changera pas, ni nos positions sur les enjeux qui nous tiennent à cœur.
Nous continuerons à lutter contre les lois et les politiques qui affectent l’accès aux antirétroviraux et à d’autres médicaments. Nous continuerons à militer pour de meilleures règles sur les brevets dans les accords commerciaux internationaux et pour l’adoption d’une législation afin de réglementer le prix des médicaments au Canada. Nous continuerons à travailler en toute transparence.
Sachez que nous ne prenons pas cette décision à la légère. Nous nous tenons à votre disposition pour écouter vos préoccupations et répondre à vos questions. Notre responsabilité est envers vous, et nous vous sommes sincèrement reconnaissant-es.