Cet article de blogue est le deuxième d’une série publiée par le Réseau juridique canadien VIH/sida avant l’élection du 19 octobre 2015.
Nous avons récemment envoyé aux cinq principaux partis fédéraux un questionnaire pour connaître leur position sur des questions clés liées au VIH et aux droits humains. Quatre partis sur cinq nous ont répondu. Nous partageons ici leurs réponses et nos commentaires. Voir www.aidslaw.ca/elections2015 pour en savoir plus.
6 octobre 2015
Trop de personnes meurent, dans les pays en développement, parce que des médicaments ne leur sont pas accessibles à prix abordable; les organismes de santé ont des budgets limités pour l’achat de médicaments de marque à prix élevés. Les règles inutilement restrictives concernant les brevets et d’autres aspects de la propriété intellectuelle, y compris celles enchâssées dans des accords commerciaux internationaux, constituent une importante partie du problème d’accès aux médicaments pour le VIH et d’autres besoins de santé.
En 2004, le Parlement a adopté à l’unanimité le Régime canadien d’accès aux médicaments (RCAM), une loi qui devait faciliter la fabrication et l’exportation de versions génériques de médicaments moins coûteuses pour répondre aux problèmes de santé publique que rencontrent plusieurs pays en développement. Mais ce régime est inefficace; il n’a permis l’octroi que d’une seule licence pour la fourniture d’un médicament contre le VIH à un pays. La dernière législature avait devant elle une solution clé : le Projet de loi C-398, qui aurait simplifié le RCAM. Malgré un appui massif de la société civile, de leaders religieux et communautaires, de scientifiques et d’autres professionnels médicaux, et un vaste appui au sein du Parlement, y compris de députés de tous les partis fédéraux, le Projet de loi C-398 s’est heurté à une ferme opposition du gouvernement et a été défait par quelques votes seulement, à la Chambre des communes, en 2012. (Cliquez ici pour un registre des votes finaux des députés sur le projet de loi.)
Pour aggraver les choses, le Canada et d’autres pays côtiers du Pacifique ont annoncé hier la conclusion de longues négociations secrètes sur un nouvel accord commercial, le Partenariat Trans-Pacifique (PTP). Le Gouvernement des États-Unis et des multinationales pharmaceutiques faisaient pression pour des règles de propriété intellectuelle encore plus strictes — qui sont demeurées l’un des principaux points de friction jusqu’à la fin des négociations à Atlanta la semaine dernière. Des fuites du texte de divers chapitres confirment les craintes des militants pour la santé, selon lesquelles le PTP constituera une nouvelle menace majeure pour l’accès aux médicaments dans les pays en développement et dans les pays participants à revenu élevé comme le Canada. De fait, l’organisme humanitaire international Médecins Sans Frontières qualifie le PTP de « pire accord commercial pour l’accès aux médicaments dans les pays en développement » de l’histoire.
Nous avons demandé aux principaux partis politiques s’ils allaient :
- appuyer les réformes antérieurement proposées au Parlement dans le Projet de loi C-398 pour rectifier le Régime canadien d’accès aux médicaments; et
- refuser, en ce qui concerne le PTP, de signer et de ratifier tout accord qui inclurait des normes de propriété intellectuelle excédant celles déjà adoptées à l’Organisation mondiale du commerce.
Tous les partis qui nous ont répondu étaient favorables aux réformes proposées au RCAM et appuyaient le Projet de loi C-398.
- Le Nouveau Parti démocratique rappelle que des députés néodémocrates ont parrainé l’initiative au cours de législatures consécutives.
- Le Parti vert signale avoir voté en faveur du projet de loi.
- Le Parti libéral rappelle qu’il a appuyé le Projet de loi C-398 au Parlement et qu’il continuera de le faire.
- Le Bloc Québécois affirme qu’il « a appuyé et a toujours l’intention d’appuyer le projet de loi touchant le Régime canadien d’accès aux médicaments (RCAM) ».
Les partis s’entendent généralement sur la nécessité de fournir des médicaments moins coûteux aux personnes qui en ont besoin. En particulier, le Parti libéral « croit que le gouvernement devrait s’engager à faciliter l’accès aux médicaments de qualité, là où ils sont disponibles, aux pays qui en ont le plus besoin afin de ralentir la progression des maladies dévastatrices comme le VIH/sida, la malaria et la tuberculose », alors que le NPD promet de « lever les obstacles bureaucratiques actuels pour que les sociétés pharmaceutiques canadiennes puissent exporter des médicaments génériques vers les pays en développement, ce qui permettra de prévenir des décès liés au VIH/sida, à la tuberculose, à la malaria ou à d’autres maladies ».
En ce qui concerne le Partenariat Trans-Pacifique, les réponses sont plus variées :
- Le Parti vert s’oppose explicitement au PTP, le qualifiant d’« entente mal négociée », et signalant qu’il est le seul parti fédéral du Canada à s’y opposer. Les Verts concluent en exprimant leur position sur ces enjeux en général : « Le Parti vert ne soutient pas des ententes comme le PTP, lesquelles sont négociées en secret et permettent aux entreprises de poursuivre les gouvernements au sujet de lois qui réduisent leurs profits, telles que les réglementations environnementales, les législations du travail et la réglementation de protection des consommateurs. Les verts refuseront de signer et de ratifier toute entente qui contribue à rehausser les intérêts des sociétés aux dépens des intérêts du public et qui établit des normes de propriété intellectuelle qui privent les pauvres de l’accès à des médicaments qui pourraient leur sauver la vie. »
- Bien que le Nouveau Parti démocratique considère le PTP comme une occasion « de renforcer nos liens commerciaux avec les pays asiatiques », il se dit préoccupé par le silence et l’absence de « véritables consultations publiques », et affirme qu’« un gouvernement du NPD étudiera avec grand soin le texte de tout accord commercial potentiel ».
- Le Parti libéral appuie « le principe » du PTP. Il affirme : « Le partenariat transpacifique supprimera les barrières commerciales, élargira considérablement le libre-échange au Canada, et augmentera les possibilités offertes à la classe moyenne. Voilà pourquoi le Canada doit être présent à la table des négociations. Le gouvernement fédéral doit tenir sa parole et défendre les intérêts du Canada lors de ces négociations, notamment en ce qui concerne la gestion de l’offre. »
- Le Bloc Québécois n’a pas commenté le PTP.
Le Parti conservateur du Canada n’a pas répondu à notre questionnaire.
Pour plus d’information :
- Rectifier le Régime canadien d’accès aux médicaments (RCAM) : ce qu’il faut savoir du Projet de loi C-398 (document d’information publié conjointement par le Réseau juridique canadien VIH/sida et le Mouvement de soutien des grands-mères)
- L’ONUSIDA invite les négociateurs commerciaux à soutenir les engagements des gouvernements en faveur de la santé publique et de l’accès aux médicaments (ONUSIDA, 28 juillet 2015)
- Ne bradez pas la santé : document d’information pour le ministre du Commerce du Canada concernant les négociations du Partenariat Trans‐Pacifique et l’accès aux médicaments (document d’information publié par le Groupe pour l’accès mondial aux traitements)
- Vidéo de Médecins Sans Frontières : « PTP : Ne touchez pas à nos médicaments »