Cet article de blogue est le cinquième d’une série publiée par le Réseau juridique canadien VIH/sida avant l’élection du 19 octobre 2015.
Nous avons récemment envoyé aux cinq principaux partis fédéraux un questionnaire pour connaître leur position sur des questions clés liées au VIH et aux droits humains. Quatre partis sur cinq nous ont répondu. Nous partageons ici leurs réponses et nos commentaires. Voir www.aidslaw.ca/elections2015 pour en savoir plus.
9 octobre 2015
À travers le Canada, des programmes de seringues financés par le secteur public contribuent à prévenir la propagation de maladies infectieuses comme le VIH et le virus de l’hépatite C (VHC). Mais il n’existe pas de tels programmes dans les prisons canadiennes – et ce en dépit du fait que même les recherches du gouvernement fédéral démontrent que des drogues entrent dans les prisons malgré les efforts pour les en empêcher, et que plusieurs personnes incarcérées sont aux prises avec la toxicomanie et s’injectent des drogues (y compris au moyen d’instruments de fabrication artisanale et partagés).
Au Canada, les taux de prévalence du VIH et du VHC parmi les personnes incarcérées sont d’au moins 10 et 30 fois supérieurs, respectivement, à ceux de la communauté générale. S’ils étaient mis œuvre, des programmes de seringues en prison (PSP) offriraient aux détenus les mêmes services de santé que dans la communauté et créeraient un milieu de travail plus sécuritaire pour les employés carcéraux en réduisant le risque de blessures accidentelles avec du matériel d’injection non stérile partagé par plusieurs détenus.
Malgré l’existence de preuves convaincantes démontrant les bienfaits des PSP, à l’échelle mondiale, aucune prison canadienne ne permet la distribution de matériel d’injection stérile aux détenus. Le défaut persistant d’action des législateurs et des autorités carcérales du Canada nuit à la santé des détenus, viole des droits de la personne et occasionne des coûts considérables en traitement d’infections à VIH et à VHC qui auraient pu être évitées. Étant donné que la plupart des personnes incarcérées retournent éventuellement dans la communauté, la santé des détenus est également une préoccupation de santé publique générale.
Nous avons demandé aux principaux partis politiques s’ils allaient appuyer la mise en œuvre de programmes de seringues dans les prisons fédérales du Canada.
Tous les partis qui nous ont répondu étaient favorables aux programmes de réduction des méfaits, à des degrés d’engagement variables.
- Le Nouveau Parti démocratique exprime son appui explicite : « Le NPD estime que la prévention des risques doit aussi se faire en milieu carcéral. Le fait de protéger la santé et la vie des détenus, du personnel carcéral et du grand public en prévenant le transfert des maladies infectieuses représente une question de réduction des risques et doit être traité comme tel. À cet égard, les avantages éprouvés scientifiquement des programmes de distribution supervisée de seringues s’appliquent autant aux milieux carcéraux qu’aux collectivités. Par conséquent, un gouvernement du NPD appuiera la mise en oeuvre de tels programmes. Leur interdiction représente une mauvaise politique publique et un risque inutile pour la santé humaine. »
- Le Bloc Québécois appuie lui aussi explicitement les PSP, en affirmant simplement : « Le Bloc Québécois est favorable à l’idée de mettre en place des programmes d’échange de seringues dans les pénitenciers du Canada. »
- Le Parti vert est également direct et sans équivoque dans l’expression de son appui : « Oui. Les pratiques de réduction des méfaits sont efficaces et on en a désespérément besoin dans nos prisons de plus en plus surpeuplées. Les droits des prisonniers sont des droits humains. Les prisonniers ne renoncent pas à leur droit de recevoir des soins de santé juste parce qu’ils ont commis un crime. En fait, leurs besoins et facteurs de risques de dépendance uniques et autres défis de santé justifient des services de santé spécialisés, y compris des programmes de seringues dans les prisons fédérales au Canada. » (Le Parti vert exprime également des critiques quant aux peines minimales obligatoires et aux mauvaises conditions d’emprisonnement comme la surpopulation et l’isolement en cellule ainsi que d’autres idées pour améliorer les politiques correctionnelles.)
- Le Parti libéral affirme : « Nous reconnaissons qu’il existe des preuves irréfutables qui montrent que les programmes d’échange d’aiguilles et de seringues sont un moyen efficace de diminuer le partage de seringues entre les prisonniers ». Il ajoute que « toute modification doit se fonder sur des preuves qui montrent leur nécessité pour assurer la sécurité des Canadiennes et Canadiens ». Le Parti libéral promet également : « Nous examinerons également avec attention les assertions de groupes comme le Réseau juridique canadien VIH/sida selon lesquelles le gouvernement conservateur viole les droits des détenus en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés en refusant de dispenser des programmes d’échange d’aiguilles et de seringues dans les prisons. »
Le Parti conservateur du Canada n’a pas répondu à notre questionnaire.
Pour plus d’information :
- Urgence santé en prison : www.urgencesanteprison.ca
- Les programmes de seringues en prison : synthèse pour les politiques