le 13 février 2015
Vous savez à présent que la Cour suprême du Canada a conclu à l’unanimité, vendredi dernier, que les personnes qui vivent au Canada ont le droit constitutionnel d’obtenir une assistance médicale à mourir si elles le désirent. Il s’agit d’un arrêt phare et d’un jour marquant, longuement attendus.
Nous saluons cette décision historique et nous félicitons les nombreux individus et organismes qui se sont alliés pour y arriver. Nous sommes fiers d’avoir fait partie de ce groupe, à titre de co-intervenant avec la HIV & AIDS Clinic Ontario (HALCO) dans l’affaire Carter c. Canada.
Il s’agit d’un dossier complexe et parfois matière à dissension. C’est pourquoi nous souhaitons vous parler un peu plus du droit, des motifs de notre décision d’intervenir et de ce que la décision de la cour signifie concrètement pour l’avenir (sans trop de considérations purement juridiques.)
La loi : avant et après
L’affaire Carter c. Canada concernait deux éléments distincts du Code criminel du Canada. L’article 14 stipule que personne ne peut consentir à ce que la mort lui soit infligée; et l’alinéa 241(b) établit que toute quiconque aide une personne à se suicider commet un acte criminel punissable. Ensemble, ces deux articles font en sorte que l’action d’aider quelqu’un à mourir de la manière qu’il souhaite et au moment qu’il désire constitue un crime.
Le jugement du 6 février a invalidé ces deux articles du Code criminel parce qu’ils portent atteinte à la Charte canadienne des droits et libertés. En particulier, ils privent injustement les gens des droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne que garantit l’article 7 de la Charte – essentiellement, en privant de choix de vie fondamentaux des personnes souffrant de graves troubles de santé qui leur causent des souffrances à long terme qu’elles trouvent intolérables.
La Cour a adopté des paramètres stricts pour établir quelles personnes ont la possibilité de demander de l’assistance médicale pour mourir.
Pourquoi sommes-nous intervenus?
Nous sommes intervenus pour deux raisons.
Premièrement, bien que l’enjeu devant la Cour concernait spécifiquement le droit de recevoir de l’assistance, au besoin, pour contrôler le moment et le moyen pour mourir, le principe plus général en cause est le suivant : le droit doit respecter et protéger l’autonomie dans toutes les décisions d’ordre médical, pendant toute la vie d’une personne. Ce principe est central au mouvement de lutte contre le VIH/sida, depuis le début.
Deuxièmement, nous avons affirmé que le droit concernant les décisions médicales, applicables à tous et toutes, ne doit pas être déterminé par les croyances de groupes religieux, en particulier de manière qui brimer l’autonomie des gens, les prive de leur dignité et les condamne à endurer des douleurs et des souffrances qu’ils peuvent souhaiter éviter.
De notre point de vue, ceci est important parce qu’il ne s’agit pas que de l’autonomie des personnes handicapées, qui est menacée si on laisse des croyances religieuses influencer les lois du pays. Les droits humains, plus généralement, pourraient être brimés. Puisque nous sommes un organisme engagé à faire avancer la santé et d’autres droits humains – pour les personnes vivant avec le VIH, les femmes, les personnes LGBTI, les travailleuse(-eur)s du sexe et d’autres, y compris les personnes vivant avec des handicaps –, il était crucial que nous signalions ce point à la Cour. Ceci est encore plus vrai compte tenu des arguments avancés par certains groupes évangéliques qui appuyaient le maintien de l’interdiction du décès assisté, en droit criminel.
Qu’arrive-t-il, à présent?
Si le gouvernement fédéral souhaite remplacer les articles invalidés dans cette importante décision, il dispose de 12 mois pour adopter une nouvelle loi criminelle – qui devra bien sûr respecter la Charte. Mais il n’est pas évident qu’il soit nécessaire d’adopter une nouvelle loi. Nous savons tous à quel point le droit criminel est un instrument grossier, en particulier lorsqu’il s’agit d’encadrer quelque chose qui, en fin de compte, est une question de décision quant à des soins de santé.
Entre-temps, l’ancienne loi demeure en vigueur.
Nous sommes d’avis que le choix médical pendant la vie entière, et non seulement en fin de vie, est important. Plutôt que de priver des gens de leur autonomie en criminalisant l’assistance à mourir, tout gouvernement qui a réellement à cœur les droits humains rehausserait l’autonomie de tous les Canadiens et Canadiennes, y compris ceux qui ont des handicaps, en investissant considérablement dans l’expansion de l’accès à des soins de santé et des services sociaux de qualité, de même que dans les soins en fin de vie.
La Cour suprême du Canada a affirmé les principes de la dignité et de l’autonomie. Nous accueillons favorablement cette décision et nous sommes heureux d’y avoir contribué.