La loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière et ses effets néfastes sur les personnes vivant avec le VIH et d’autres communautés marginalisées

10 juin 2025
L’honorable Gary Anandasangaree, P.C., M.P.
Ministre de la sécurité publique
Chambre des Communes
Ottawa, Ontario
K1A 0A6

L’honorable Lena Metlege Diab, P.C., M.P.
Ministre de l’immigration, des réfugiés et de la citoyenneté
Chambre des Communes
Ottawa, Ontario
K1A 0A6

RE : La loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière et ses effets néfastes sur les personnes vivant avec le VIH et d’autres communautés marginalisées

Le Ministre Anandasangaree et la Ministre Diab,

Nous, les organisations soussignées, vous écrivons pour vous faire part de notre profonde inquiétude concernant la Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière et l’impact dévastateur qu’il aura sur les personnes vivant avec le VIH et d’autres communautés marginalisées.

Depuis des décennies, nos organisations s’efforcent de faire progresser les droits, la santé et la dignité des personnes vivant avec le VIH, y compris les nouveaux arrivants au Canada. La législation proposée menace de réduire à néant ce travail en renforçant l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS) et en élargissant la détention des immigrants, tout en introduisant des obstacles importants à la protection des réfugiés qui excluront les demandeurs d’asile authentiques. La législation proposée renforcera également les pouvoirs discrétionnaires des autorités chargées de l’immigration, notamment en leur donnant un accès excessif à des informations personnelles sensibles. Ces mesures éloigneront les personnes de la sécurité, des soins, et de la justice.

Parmi ses dispositions les plus inquiétantes, la législation prévoit :

  • Renforcer les obstacles aux demandes d’asile pour les personnes entrées au Canada de manière irrégulière en provenance des États-Unis, malgré les preuves accablantes et constantes que les États-Unis ne sont pas sûrs pour de nombreuses personnes, notamment les personnes LGBTQ+, les personnes racialisées et les personnes vivant avec le VIH. Ces personnes sont confrontées à des risques accrus dans les centres de détention de l’immigration américaine, notamment le refus de traitement médical, la violence et l’isolement.
  • Refuser l’accès au système canadien de protection des réfugiés à toute personne qui dépose une demande plus d’un an après sa première arrivée au Canada — une règle qui s’applique rétroactivement au 24 juin 2020. Avec le temps, cette mesure empêchera effectivement les personnes ayant visité le Canada plus d’un an auparavant de demander la protection. Cette approche ignore l’évolution de la persécution (c’est-à-dire pour toute personne n’ayant pas encore demandé la protection. Les personnes peuvent ne pas reconnaître ou craindre de révéler les risques auxquels elles sont immédiatement confrontées, en particulier ceux liés à l’évolution de leur état de santé, de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle. En outre, cet obstacle met les personnes en danger lorsque la situation change dans leur pays d’origine.
  • Limiter largement la protection des réfugiés au Canada à ceux qui peuvent obtenir un visa canadien, une option hors de portée pour de nombreuses personnes en danger. Dans de nombreux cas, un examen médical d’immigration, y compris un test VIH obligatoire, est exigé. Cela peut entraîner des refus pour des raisons de santé ou exposer les demandeurs à la stigmatisation et à la discrimination. Pour les personnes persécutées en raison de leur état de santé, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre – en particulier dans les pays où ces éléments sont stigmatisés ou criminalisés – la procédure peut être dangereuse. Ces obstacles signifient qu’un grand nombre des personnes qui ont le plus besoin de protection seront désormais exclues du système.
  • Contraindre de nombreux demandeurs d’asile à participer à la procédure d’examen des risques avant renvoi (ERAR), un mécanisme étroit et opaque qui ne bénéficie pas de toutes les protections procédurales et qui est supervisé par des décideurs non spécialisés. Les taux d’acceptation des demandes d’ERAR restent scandaleusement bas, ce qui soulève de sérieuses inquiétudes quant à l’équité et à la régularité de la procédure, et le regroupement familial est souvent hors de portée, car la procédure d’ERAR offre moins de protections pour les enfants à charge se trouvant à l’étranger. En conséquence, de nombreuses personnes ayant un réel besoin de protection risquent se voir refuser leur demande – non pas parce que leur demande n’est pas fondée, mais parce que la procédure elle-même est profondément défectueuse. Cela conduira inévitablement à une augmentation des contrôles judiciaires devant la Cour fédérale, ce qui alourdira encore un système déjà débordé, augmentera les coûts et retardera la justice pour les personnes à risque.
  • Augmenter le recours à la détention des immigrants, étant donné qu’un plus grand nombre de personnes sont filtrées par la procédure d’ERAR, où les personnes sont détenues indéfiniment dans des conditions semblables à celles d’une prison, avec un contrôle limité. Cette situation est particulièrement préjudiciable aux personnes vivant avec le VIH, aux personnes qui consomment des drogues, et aux personnes souffrant d’autres problèmes de santé, qui ont souvent un accès irrégulier ou inadéquat aux médicaments, à la réduction des risques et à d’autres soins de santé. La détention des immigrants a causé des traumatismes durables et contribué à de nombreux décès. Elle affecte également de manière disproportionnée les personnes racialisées, handicapées et de sexe différent.

Ces changements radicaux rendront encore plus difficile l’accès aux soins pour les personnes vivant au Canada. Lorsque les lois sur l’immigration font craindre la détention, l’expulsion ou l’exposition, les gens évitent de se faire soigner, en particulier ceux qui viennent de pays où le VIH est fortement stigmatisé. À l’heure où le Canada est le seul pays du G7 où les taux de VIH augmentent, nous devrions supprimer les obstacles aux soins, et non les inscrire dans la loi.

Nous vous demandons instamment de retirer la Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière.

Nous sommes unis dans la conviction que le Canada doit respecter les droits et la dignité de toutes les personnes, y compris celles qui vivent avec le VIH et recherchent la sécurité. Nous demandons une réunion avec votre bureau pour discuter plus en détail de ces préoccupations.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments distingués,

HIV Legal Network | Anne-Rachelle Boulanger, analyste des politiques / arboulanger@hivlegalnetwork.com

HIV/AIDS Legal Clinic Ontario | Ontario |Ryan Peck, Directeur exécutif / ryan.peck@halco.clcj.ca

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