Recherche sur les effets de la surveillance sur les femmes vivant avec le VIH
Septembre 2015
Les reportages des médias se concentrent sur des individus poursuivis pour des allégations de non-divulgation du VIH, mais nous savons que les répercussions de la criminalisation de la non-divulgation sont loin de se limiter aux seules personnes qui sont formellement accusées. Par conséquent, j’ai été ravie d’apprendre, en avril, que notre projet de recherche communautaire (RC) d’une durée de trois ans avait été approuvé par les Instituts de recherche en santé du Canada. Ce projet de recherche, intitulé « Women under Surveillance: Criminalization’s creep into the health and social care of women living with HIV » [Femmes sous surveillance : l’invasion de la criminalisation dans les soins de santé et les services sociaux aux femmes vivant avec le VIH], explorera comment la criminalisation de la non-divulgation du VIH affecte la vie de tous les jours des femmes vivant avec le VIH.
En 2013, j’ai rencontré la Dre Saara Greene, pour certains détails juridiques en lien avec un article qu’elle rédigeait. En quelques minutes, nous étions en intense discussion sur les façons par lesquelles la criminalisation de la non-divulgation du VIH alimente la discrimination à l’égard des femmes vivant avec le VIH ainsi que les idées fausses au sujet de celles-ci; et convenions que le VIH, du même coup, était en voie de devenir « informellement criminalisé » – c’est-à-dire que les femmes vivant avec le VIH se sentent comme des criminelles, étant constamment surveillées et contraintes, même si elles ne font rien que la loi interdit.
Puis, lors du Congrès de l’ACRV à St. John’s, en avril 2014, Saara et moi, de pair avec les coauteures Allyson Ion, Adriana Carvalhal et Mona Loutfy, avons présenté un abrégé par affiche, s’intitulant « Judging Mothers : Criminalization’s Creep into the Health- and Social-Care of HIV-Positive Mothers » [On juge les mères : l’invasion de la criminalisation dans les soins de santé et services sociaux aux mères vivant avec le VIH]. Saara et moi étions devenues officiellement collaboratrices, et les liens entre mon travail de plaidoyer juridique et sa recherche en travail social devenaient de plus en plus clairs (et combien enthousiasmants!).
La demande de financement de RC a été déposée par les cochercheuses principales suivantes : Saara Greene, École de travail social, Université McMaster; Alison Symington, Réseau juridique canadien VIH/sida; Marvelous Muchenje, Centre de santé communautaire Women’s Health in Women’s Hands; et Angela Kaida, Faculté des sciences de la santé, Université Simon Fraser.
La conception de l’étude a bénéficié des points de vue de nombreux profesionnel-les des secteurs de la santé, des services sociaux et du droit, de même que de femmes vivant avec le VIH. Le point de départ est un constat que le climat sociojuridique actuel au Canada – où la non-divulgation du VIH avant un rapport sexuel est agressivement criminalisée et où les personnes vivant avec le VIH sont surveillées afin de s’assurer qu’elles ne posent aucun risque à autrui –, soulève d’importantes questions touchant la stigmatisation et la surveillance des femmes vivant avec le VIH, ainsi que la discrimination à leur égard, par le système juridique et ceux des soins de santé et des services sociaux. D’intérêt particulier, sont les façons par lesquelles la criminalisation et la surveillance exercent une influence sur les identités de ces femmes vivant avec le VIH, de même que sur leurs choix (p. ex., en tant qu’amantes, mères et amies). La méthodologie de cette recherche est particulièrement enthousiasmante. Nous aurons recours à des méthodes fondées sur l’art – notamment la cartographie corporelle et le témoignage – afin de collecter des données qualitatives. Des ateliers de cartographie corporelle auront lieu en Ontario, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique; et une équipe multidisciplinaire est en préparation dans ces trois provinces.
À notre époque, où des progrès médicaux considérables permettent aux femmes séropositives au VIH d’avoir une vie longue et productive, et de devenir enceintes et de donner naissance sans transmettre le VIH à leur conjoint ni à leur bébé, la persistance d’attitudes négatives à l’égard des mères séropositives au VIH pose de sérieux problèmes. Ces attitudes peuvent être dues en partie au fait que toutes les femmes vivant avec le VIH sont fréquemment assujetties à une surveillance sociale. Notre projet de RC nous aidera à comprendre les effets de la surveillance en explorant comment la criminalisation de la non-divulgation du VIH et les préceptes qui la sous-tendent s’immiscent dans la vie des femmes séropositives au VIH, par le biais de leurs interactions avec des fournisseurs de soins de santé et de services sociaux ainsi que d’autres personnes; et il nous offrira des avenues pour y répondre.
Des mises à jour seront publiées à mesure que le projet progressera.
Alison Symington
Codirectrice de la recherche et du plaidoyer