DÉCLARATION : UNE APPROCHE DE L’AUTODÉPISTAGE DU VIH FONDÉE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

L’autodépistage du VIH est un outil puissant, en particulier s’il s’inscrit dans le cadre d’une approche qui va à la rencontre des personnes là où elles se trouvent. La mise à la disposition du public des autotests du VIH peut favoriser leur utilisation de ces derniers en offrant aux utilisateur(-trice)s plusieurs avantages tels que la confidentialité, l’autonomie ainsi que le contrôle du lieu et du moment du test de dépistage du VIH. En améliorant l’accès au dépistage et en autonomisant la personne qui l’utilise, l’autotest du VIH offre un moyen innovant qui peut contribuer à faire en sorte que le Canada atteigne les objectifs 95-95-95 d’ici 2025. Ces autotests peuvent également permettre aux personnes concernées d’accéder à des soins de santé, à un traitement ou à du soutien.

Néanmoins, l’autodépistage du VIH comporte certains risques. L’autotest peut notamment être utilisé de manière coercitive (par exemple, être imposé de force par un-e partenaire). De plus un résultat de test VIH positif peut entraîner des risques juridiques imprévus et avoir des conséquences sur la divulgation de l’information. Ainsi, lorsqu’un test de confirmation est effectué ailleurs que dans un site de dépistage anonyme désigné, le nom et les coordonnées de la personne seront communiqués aux services de santé publique dans la plupart des cas. La personne peut alors perdre le contrôle de la divulgation de sa séropositivité.

En outre, un résultat de test positif (même sans un test de confirmation en laboratoire) peut déclencher l’obligation, en vertu du droit pénal, de divulguer sa séropositivité. Au Canada, les personnes vivant avec le VIH continuent d’être accusées, poursuivies et condamnées pour agression sexuelle grave pour la non-divulgation de la séropositivité (i) même en l’absence d’allégation de transmission du VIH, (ii) même s’il n’y a eu pas d’intention de transmettre le virus et (iii) même si l’activité sexuelle en question présentait un risque de transmission négligeable ou nul. Les personnes noires, les femmes autochtones, les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes font plus souvent l’objet d’une accusation ou d’une condamnation que le reste de la population au Canada.

Il est donc crucial d’avoir conscience des conséquences potentielles avant d’effectuer un autotest. Le fait de ne pas fournir d’informations sur les nombreuses conséquences d’un résultat de test VIH positif risque de marginaliser davantage tant les personnes que les communautés qui sont déjà plus susceptibles d’être criminalisées et qui peuvent déjà être confrontées à de nombreux obstacles en matière de soins ou de soutien.

Nous pouvons atténuer le préjudice  possible des risques associés à l’autotest en adoptant une approche de l’autodépistage du VIH qui respecte la confidentialité, l’autonomie et le contrôle de la personne tout au long du processus de dépistage, y compris à la suite d’un résultat positif. Le fait de soutenir le droit d’une personne de choisir de façon éclairée à qui, comment et quand divulguer sa situation permet d’améliorer sa sécurité et d’augmenter ses chances d’être prise en charge dans le système de soins. Cette approche fondée sur les droits de la personne consisterait à inclure les informations ci-dessous dans chaque trousse de dépistage. De plus, tout-e prestataire de services ou toute personne distribuant une trousse devrait être en mesure d’aider l’utilisateur(-trice) du test à faire un choix éclairé grâce aux renseignements insérés, à savoir :

Une liste d’options pour confirmer un résultat positif.

Après un autotest VIH positif, une personne aura à passer un test sanguin de confirmation du résultat par un laboratoire, afin de recevoir des soins et traitements pour le VIH. Dans certaines régions (par exemple en Ontario), on peut demander un test de confirmation anonyme. On peut également obtenir des soins et traitements pour le VIH sans que notre nom soit communiqué aux autorités de santé publique. Pour de nombreuses personnes, en particulier celles qui sont le plus marginalisées par les systèmes de justice pénale, d’immigration ou de santé publique, il est important de pouvoir garder le contrôle de la divulgation de leur statut sérologique. Toutes les personnes qui utilisent un autotest de dépistage du VIH devraient être informées (i) des différentes modalités de dépistage (à savoir, nominatif ou anonyme) et des éventuelles conséquences d’un test, ainsi que (ii) de l’éventuelle communication de son nom ou d’autres informations personnelles aux autorités de santé publique.

Des informations sur la criminalisation du VIH.

La criminalisation de la non-divulgation de la séropositivité pour les personnes vivant avec le VIH a d’énormes conséquences juridiques pour les personnes dont le test s’avère positif. Toute personne qui effectue un autotest de dépistage du VIH devrait être informée de ses droits et des conséquences juridiques possibles en cas de résultat positif, et ce, avant même de procéder à un test de confirmation en laboratoire.

Accès aux soins, aux traitements et aux services de soutien.

Outre la criminalisation du VIH, un résultat de test VIH positif peut accroître le risque d’une surveillance de la part des autorités de santé publique, le risque de violence entre partenaires intimes ainsi que d’autres formes de violence, et peut également affecter le statut d’immigration d’une personne. Les trousses d’autotest du VIH devraient être accompagnées d’une orientation appropriée vers des services, y compris des services juridiques, de traitement et de soutien, afin d’aider les personnes à être en sécurité dans leurs interactions avec les services de prévention et/ou de soins. Bien que l’autodiagnostic du VIH puisse offrir la possibilité d’entrer en contact avec des prestataires de soins de santé, les personnes dont le résultat est positif n’ont en réalité pas nécessairement accès aux soins, aux traitements ou aux soutiens, ou peuvent être confrontées à de longues listes d’attente lorsqu’elles cherchent à se faire soigner. Les investissements dans l’autodépistage du VIH doivent inclure des investissements dans le soutien par les pairs et d’autres formes de soutien. En effet, le soutien par les pairs permet d’offrir un contact humain important et de fournir des informations ou des services ainsi que des ressources adéquates pour bien préparer l’entrée dans le système de soins de santé et favoriser l’accès au traitement. Toute personne effectuant un autodépistage du VIH devrait recevoir des informations sur ces ressources.

Une approche de l’autodépistage fondée sur les droits de la personne au Canada constitue le seul moyen d’atteindre notre objectif commun de prévenir les infections qui sont évitables et de relier chaque personne à des services de soins de santé dans un cadre sécuritaire et habilitant. Nous pouvons mettre fin à la menace que constitue le VIH pour la santé publique, mais seulement en fournissant aux gens les informations dont ils ont besoin pour comprendre et protéger leurs droits humains.

 

SIGNATAIRES :

Réseau juridique VIH
HIV & AIDS Legal Clinic Ontario (HALCO)
RCAS – Communautés, alliances et réseaux
PAN
Women’s Health in Women’s Hands (WHIWH)

2-Spirited People of the 1st Nations
Action positive VIH-sida
AIDS Coalition of Nova Scotia
AIDS Committee of Durham Region
AIDS Committee of North Bay and Area
AIDS Committee of Ottawa
AIDS Committee of Toronto (ACT)
Aids New Brunswick
AIDS Programs South Saskatchewan Inc. (APSS)
AIDS Vancouver
Asian Community AIDS Services (ACAS)
BRAS Outaouais
Butterfly (Asian and Migrant Sex Workers Support Network)
Canadian Aids Society
Canadian Public Health Association
Casey House
CATIE
Centre des R.O.S.É.S. de l’Abitibi-Témiscamingue
Centre for Gender and Sexual Health Equity (CGSHE)
Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-SIDA)
Community-Based Research Centre
Elevate NOW
Fife House
GAP-VIES (Groupe d’Action pour la Prévention de la transmission du VIH et l’Éradication du Sida)
Hemophilia Ontario
IRIS Estrie
LetsStopAIDS
Living Positive Resource Centre Okanagan
Ontario AIDS Network (OAN)
Options HIV West Yellowhead
Parkdale Queen West Community Health Centre
PEERS Alliance
Peterborough AIDS Resource Network
Portail VIH/sida du Québec
Positive Living Niagara
Réseau de la santé sexuelle des Sourds du Québec (RSSSQ)
Stella, l’amie de Maimie
Streetworks
Tandem Mauricie
Toronto People With AIDS Foundation
Trellis HIV & Community Care
Vancouver Island PWA Society (VPWAS)
Women and HIV / AIDS Initiative

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