Pour publication immédiate
La présente déclaration est du Réseau juridique canadien VIH/sida (« Réseau juridique »). Les commentaires extraits de la présente peuvent être attribués à Sandra Ka Hon Chu, directrice de la recherche et du plaidoyer, Réseau juridique canadien VIH/sida.
10 juin 2019 — Il paraît qu’un site d’injection de drogues sous supervision sera établi dans l’Établissement de Drumheller en Alberta. Bien qu’en principe nous soyons en faveur des services de consommation supervisée, nous avons de sérieuses inquiétudes à savoir si – et comment – ce modèle pourrait fonctionner derrière les barreaux. Afin qu’un site d’injection supervisée fonctionne avec succès en prison, il faut que les détenus aient confiance au personnel et croient en leur possibilité de l’utiliser en toute confidentialité, sans exposer leur consommation de drogues – une activité fortement stigmatisée et criminalisée – à la connaissance des autres détenus et du personnel. Or cette confiance et cette confidentialité n’existent tout simplement pas dans le milieu carcéral actuel; de plus, il est difficile d’imaginer la logistique nécessaire à préserver la confidentialité des détenus dans le contexte d’un site d’injection supervisée. De fait, aucune prison au monde n’offre aux détenus l’accès à des salles d’injection supervisée, pour ces raisons.
Il n’est PAS acceptable d’instaurer des sites d’injection supervisée ou de prévention des surdoses plutôt que des programmes de seringues et d’aiguilles. Même si l’Établissement de Drumheller recevait un site d’injection supervisée, il demeurerait dépourvu d’un réel programme d’échange de seringues en prison (PÉSP) efficace et fondé sur les données probantes. Certes, des mesures plus complètes pour la réduction des méfaits en prison constituent un objectif louable, mais un site d’injection supervisée ou de prévention des surdoses ne peut pas remplacer un PÉSP; il a été démontré que les PÉSP fonctionnent bien en prison et protègent la santé des détenu-es (et il n’en existe que six, dans des prisons du Canada). Les PÉSP, dont les bienfaits sont largement reconnus, ont été cités par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et plusieurs autres agences internationales et nationales ainsi que des expert-es en santé comme étant une intervention de santé essentielle en prison. Depuis plus de 25 ans que des PÉSP sont en fonction dans le monde, on n’a signalé aucun cas d’attaque au moyen d’équipement fourni par ces programmes. Un programme d’échange de seringues fondé sur les données probantes, en prison, contribuera à améliorer la sûreté des détenus, des agents correctionnels et de la collectivité. C’est pourquoi le Réseau juridique canadien VIH/sida, en association avec un ex-détenu et trois autres organismes du domaine du VIH, poursuit actuellement le gouvernement fédéral pour son défaut de fournir aux détenus un accès facile, confidentiel et efficace à des programmes de seringues et d’aiguilles.
Nous sommes d’accord sur la nécessité de faire plus pour prévenir les surdoses mortelles dans les prisons. Ceci devrait inclure des mesures immédiates pour donner à tous les détenus la capacité d’accès direct à la naloxone (p. ex., en vaporisateur nasal), assurant ainsi l’accès à un médicament salvateur au moment où il est nécessaire. Nous sommes d’accord également que les agents correctionnels ne devraient pas être les responsables de l’« opérationnalisation » des PÉSP. Les PÉSP fournissent aux détenus un service de santé qui doit relever uniquement du personnel des soins de santé; c’est comme cela que les PÉSP fondés sur les données probantes fonctionnent dans les autres pays.
Le site d’injection supervisée proposé dans l’Établissement de Drumheller ne peut pas détourner notre attention du besoin pressant que le Service correctionnel du Canada mette en œuvre dans toutes ses prisons des PÉSP fondés sur les données et capables de fournir aux détenus l’accès facile, confidentiel et efficace à du matériel d’injection stérile et à tous les bienfaits qui en découlent.
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Information générale : données probantes de programmes d’échange de seringues établis dans des prisons du monde
- Les PÉSP n’entraînent pas d’augmentation de l’injection de drogues.
- Il y a diminution des pratiques de partage de seringues dans les prisons offrant un PÉSP.
- Il y a augmentation du nombre de détenus orientés vers des programmes de traitement de la toxicomanie dans les prisons offrant un PÉSP.
- Le nombre d’interventions en soins de santé pour des abcès au point d’injection diminue dans les prisons offrant un PÉSP.
- Le nombre d’interventions en soins de santé et de décès liés à des surdoses diminue dans les prisons offrant un PÉSP.
- Les seringues/aiguilles des PÉSP ne sont pas utilisées comme armes.
- Les PÉSP ne causent pas d’augmentation des altercations entre détenus ou à l’égard d’employés de prison.
- Les PÉSP ne causent pas d’augmentation des blessures impliquant des piqûres.
- Les PÉSP ne causent pas d’augmentation des saisies de drogues illégales ou d’accessoires de consommation de drogues.
- Les PÉSP ne causent pas d’augmentation du nombre de cas de consommation de drogues.
- Les PÉSP ne causent pas de hausse de l’initiation de détenus à l’injection de drogues pendant l’incarcération.
- Dans les prisons offrant un PÉSP, les attitudes du personnel et sa disposition à accepter un PÉSP ont évolué, de la peur et du ressentiment, vers la reconnaissance des PÉSP comme un ajout important et nécessaire à l’éventail des services de réduction des méfaits et des interventions de santé et de sécurité.
Contact
Emma Riach, agente des communications et des campagnes
Réseau juridique canadien VIH/sida
Téléphone : +1 416 595-1666 (poste 236)
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