DÉCLARATION : POURQUOI POURSUIT-ON ENCORE DES PERSONNES VIVANT AVEC LE VIH QUI UTILISENT DES CONDOMS?

La présente déclaration est publiée conjointement par le Réseau juridique canadien VIH/sida (« le Réseau juridique »), la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-SIDA) et la HIV & AIDS Legal Clinic Ontario (HALCO). Les commentaires extraits de la présente peuvent être attribués à Richard Elliott, directeur général du Réseau juridique canadien VIH/sida.

 

Toronto, 12 février 2020 – Aujourd’hui, le Réseau juridique canadien VIH/sida, la COCQ-SIDA et la HALCO interviennent conjointement dans l’affaire « R c. NG » établissant un précédent devant la Cour d’appel de l’Ontario.

Dans cette affaire, un jeune homme vivant avec le VIH a été condamné en 2017 pour agression sexuelle grave, pour n’avoir pas divulgué sa séropositivité au VIH avant d’avoir des rapports sexuels – même s’il a utilisé un condom à chaque occasion. Il n’y a pas d’allégation de transmission du VIH dans cette affaire ni aucune preuve d’utilisation incorrecte du condom.

La preuve présentée à la cour démontrait que l’utilisation correcte du condom est efficace à 100 % pour prévenir la transmission du VIH, car le virus ne peut franchir cette barrière. Malgré cela, le juge a considéré que l’utilisation du condom ne suffisait pas et que la non-divulgation par le jeune homme de son statut VIH constituait par conséquent une agression sexuelle grave – l’une des infractions criminelles les plus graves au Canada.

Nous sommes d’avis qu’il est malavisé d’insister sur la double exigence d’une charge virale faible (c.-à-d., un traitement supprimant le VIH du corps) et de l’utilisation d’un condom pour annuler une « possibilité réaliste de transmission du VIH », soit la norme juridique définissant l’obligation de divulgation.

Aujourd’hui, nous soutenons devant la cour que l’utilisation correcte du condom suffit, et devrait suffire à éviter une poursuite criminelle.

Des expert-es scientifiques des quatre coins du Canada et du monde s’entendent pour dire que « [l]a transmission du VIH n’est pas possible lorsqu’un préservatif est utilisé correctement » lors des rapports sexuels (voir l’énoncé de consensus canadien initial et la plus récente Déclaration de consensus d’experts publiée par des scientifiques et d’éminents organismes internationaux en science du VIH.) La criminalisation persistante des personnes vivant avec le VIH qui utilisent des condoms est discriminatoire et constitue une application excessivement large du droit criminel qui est néfaste pour la santé publique.

La décision initiale du juge du procès s’appuyait sur le jugement de 2012 de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Mabior. Cette affaire est souvent interprétée comme signifiant que la loi exige en tout temps la présence d’une charge virale faible et l’utilisation d’un condom pour annuler une possibilité réaliste de transmission du VIH. Toutefois, la décision de la Cour suprême n’était pas aussi catégorique et reconnaissait que le droit pourrait éventuellement s’adapter.

Depuis cette décision (il y a huit ans), il est arrivé que des cours concluent, à la lumière des preuves scientifiques examinées, qu’une charge virale faible suffit à annuler une possibilité réaliste de transmission. Ceci reflète le consensus mondial selon lequel une personne ayant une charge virale supprimée ne peut pas transmettre le VIH par voie sexuelle, ce que l’on appelle également « Indétectable = Intransmissible ». Il est temps que le droit rattrape la science pour reconnaître que l’utilisation du condom peut également annuler une possibilité réaliste de transmission du VIH.

L’injustice liée à la criminalisation des personnes vivant avec le VIH qui utilisent des condoms est exacerbée par les conséquences sérieuses d’une condamnation pour agression sexuelle grave, notamment une peine d’emprisonnement de plusieurs années, l’inscription obligatoire à vie comme délinquant-e sexuel-le et, dans certains cas, l’expulsion. Ces pénalités sont gravement disproportionnées pour un contact sexuel autrement consensuel lors duquel une personne a pris une précaution très efficace afin de réduire le risque de transmission du VIH à un niveau négligeable, voire nul.

En tant qu’intervenant-es dans cette affaire, le Réseau juridique, la COCQ-SIDA et la HALCO plaideront pour une décision fondée sur la science, respectueuse des droits de la personne et judicieuse sur le plan des politiques publiques.

 

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Pour plus d’information :

Visionnez notre vidéo qui explique la criminalisation des personnes vivant avec le VIH au Canada.

 

Emma Riach

Agente des communications et des campagnes

Réseau juridique canadien VIH/sida

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